La nomination des Martiniquais après l’abolition de l’esclavage

Le décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848 mit définitivement fin à l’application du Code noir et au statut d’esclave pour environ 67447 Martiniquais1, soit environ 60% de la population de l’île. Il fallut alors attribuer à toutes ces personnes des noms de famille, car esclaves, elles n’avaient pour seul attribut identitaire qu’un prénom, parfois un surnom ou un sobriquet et à partir de 1839, un numéro ou matricule. Ces noms de famille sont aujourd’hui encore ceux de la majorité des Martiniquais.
Ce processus de nomination, réalisé dans chaque commune, a été consigné dans des registres, appelés en Martinique « registres des actes d’individualité». Pour réaliser ce site, nous avons construit une base de données reprenant tous les éléments des fiches individuelles contenues dans les registres disponibles aux archives départementales de la Martinique, soit ceux de 22 communes sur les 23 que comptait la Martinique en 1848 (les registres de Saint-Pierre n’ayant pas été retrouvés3). Certains registres n’étant pas disponibles ou lisibles, nous n’avons pu analyser au total que 53 103 fiches, soit environ celles de 80% des Martiniquais nommés en 1848.
Ce travail nous a introduits dans l’histoire de l’attribution des noms de famille aux nouveaux libres après l’abolition de l’esclavage. Celle-ci a été la même, à quelques nuances près, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion, comme nous l’avons constaté lors du colloque que nous avons organisé le 12 mai 20114.
En Martinique, l’histoire de cette nomination a fait l’objet d’une thèse d’histoire soutenue par Guillaume Durand et a donné lieu à deux publications, en 20025 et en 20116. Il s’agit, à notre connaissance, de l’étude la plus complète réalisée sur ce sujet dans les ex-colonies françaises.
Nous rappellerons dans ce texte, les grandes étapes de l’histoire de cette nomination puis nous mettrons en exergue certains éléments tirés de nos observations et nous conclurons par quelques remarques sur la signification de cette nomination dans la constitution identitaire des sociétés antillaises.

APRÈS L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE EN 1848, LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE NOMME LES MARTINIQUAIS LIBÉRÉS DE L’ESCLAVAGE

C’est le 27 avril 1848 que le gouvernement provisoire de la IIe République promulgue le décret de l’abolition de l’esclavage dont l’article 1er stipule que « L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. »

1. Frédéric Régent, op. cit. p. 283.
2. En Guadeloupe, ils sont nommés « registres des nouveaux libres ».
3. Les Anses d’Arlet/Diamant, Basse-Pointe, Carbet, Case-Pilote, Ducos (alors dénommé Trou-au-Chat), Fort-de-France, Le François, Le Gros-Morne, Le Lamentin, Le Lorrain (Grande-Anse/
Marigot), Macouba, Le Marin, Le Prêcheur, Rivière-Pilote, Rivière-Salée, Le Robert, Saint-Esprit, Sainte-Anne, Sainte-Luce, Sainte-Marie, La Trinité, Les Trois-Îlets (deviendra une commune
autonome en 1849, mais qui constituait en 1848 avec Rivière-Salée, Sainte-Luce et Petit-Bourg, la commune des Trois-Bourgs), Le Vauclin.
4. « Faut-il avoir honte de nos noms ? », colloque international sur la nomination des esclaves dans les anciennes colonies françaises, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Intervenants :
Alex Bourdon, Vincent Cousseau, Guillaume Durand, Sudel Fuma, Dr Emmanuel Gordien, Alain Romaine, Frédéric Régent, Viviane Rolle-Romana, Pr Serge Romana, Bernadette Rossignol,
Jean Zougbédé.
5. Guillaume Durand, Kinvi Logassah, Les noms de famille d’origine africaine de la population martiniquaise d’ascendance servile, L’Harmattan, (2002) 2011.
6. Guillaume Durand, Les noms de famille de la population martiniquaise d’ascendance servile – Origine et signification des patronymes portés par les affranchis avant 1848 et par les
« nouveaux libres » après 1848 en Martinique, L’Harmattan, 2011.
7. Le 4 mars 1848, le gouvernement provisoire de la République, « considérant que nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves, décrète : qu’une commission est instituée auprès
du ministre provisoire de la marine et des colonies pour préparer, dans le plus bref délai, l’acte d’émancipation immédiate dans toutes les colonies de la République ». Victor Schoelcher fut
nommé sous-secrétaire d’État le 5 mars, exerça cette fonction jusqu’au 17 mai 1848. Il présida la commission chargée de préparer l’abolition de l’esclavage du 5 mars au 21 juillet 1848.
8. C’est l’ordonnance du 11 juin 1839 « sur les recensements dans les colonies » qui donna lieu à la création des « registres matricules ». En voici quelques extraits dont les principaux sont
publiés in CM98, Non an Nou, Le Livre des Noms de familles guadeloupéennes, Jasor, 2010.
« Chapitre I, recensement général :
Article 2. Chaque propriétaire se munira de trois feuillets imprimés gratuits sur lesquels il inscrira « ses noms et prénoms, le lieu et la date de sa naissance, sa profession et s’il y a lieu la classe
de sa patente, le nombre, les noms, le sexe et l’âge des personnes composant sa famille […], les noms de ses esclaves, leur sexe, leur âge et les signes particuliers propres à constater leur
identité, […] il fera connaître les esclaves unis en mariage. Les noirs qui porteraient le même nom devront être distingués par des numéros ou par un surnom.
Article 6. « Dans le mois qui suivra la clôture du recensement général, il sera formé à la mairie de chaque commune un registre contenant la matricule individuelle de tous les esclaves
recensés dans la commune. » Elle énoncera le nom et les prénoms du maître et toutes les indications sur l’esclave prévues dans l’article 2.
Article 11. Quand il y aura un changement de commune de l’esclave, il y aura un nouveau recensement du maître et l’inscription de l’esclave sur le registre matricule de la nouvelle commune. »
9. L’ordonnance du 29 avril 1936 : « Sous le rapport des formalités destinées à pourvoir légalement de noms et prénoms les individus qui seront appelés à la liberté :
Article 1. […] dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane française et de Bourbon, les déclarations d’affranchissements énonceront, outre le sexe, les noms usuels,
la caste, l’âge et la profession de l’esclave, les noms patronymiques et les prénoms qui devront lui être donnés. […]
Article 3. L’acte d’affranchissement sera transcrit sur les registres de la commune où l’esclave était recensé, en présence de deux témoins désignés par l’affranchi ou appelés d’office par
l’officier de l’état civil.
Article 4. Aucune déclaration ne pourra contenir des noms patronymiques connus pour appartenir à une famille existante, à moins du consentement exprès et par écrit de tous les membres
de cette famille. […]
Article 6. Seront seuls reçus comme prénoms, sur les registres de l’état civil, les noms en usage dans le calendrier grégorien et ceux des personnages connus dans l’histoire ancienne. »

 

Le contexte en France, dans la métropole coloniale, est alors révolutionnaire. Le 25 février 1848, après trois jours de révolution parisienne, la monarchie est renversée et la IIe République est proclamée. Un gouvernement provisoire est nommé et prend très rapidement des décisions historiques telles que l’établissement du suffrage universel et l’abolition de l’esclavage dans les colonies.
Dès le 4 mars 1848, François Arago, ministre de la Marine et des Colonies du gouvernement provisoire, nomme Victor Schoelcher sous-secrétaire d’État à la Marine et aux Colonies, et lui demande de constituer et de présider la commission qui préparera les conditions d’une abolition immédiate de l’esclavage7. Le 5 mars 1848, soit plus d’un mois avant la proclamation du futur décret d’abolition de l’esclavage, un arrêté relatif aux élections générales, complété par une instruction du 8 mars 1848, précise les modalités du suffrage universel et des conditions de vote, y compris dans les colonies. Dans son article 4, il est écrit : « Des registres […] devront immédiatement être établis pour la population actuellement esclave et sur lesquels tous les individus aujourd’hui portés aux registres matricules des esclaves seront inscrits sous les noms patronymiques qui leur seront attribués ».
Le 7 mai 1848, une circulaire ministérielle est adressée par François Arago aux commissaires généraux de la République de Martinique, Guadeloupe, Réunion et Guyane. Intitulée « Instructions pour l’exécution du décret du 27 avril », elle stipulait : « Il sera indispensable de faire procéder par les officiers d’état civil à un enregistrement général de la population émancipée, en prenant pour point de départ les registres matricules8 actuellement existants et en conférant des noms aux individus et aux familles comme on l’a fait jusqu’à ce jour dans le système de l’affranchissement partiel, conformément à une ordonnance du 29 avril 18369.
Cette opération devra avoir lieu dans les deux mois […] et, pour la faciliter, vous adjoindrez
temporairement aux mairies les écrivains dont les officiers de l’état civil auraient besoin. »
Ainsi, à partir des registres matricules et de l’expérience antérieure à 1848 de nomination des affranchis dans la colonie, la commission d’abolition de l’esclavage, dans sa session du 13 mars 1848, proposera une méthode pour « nommer dans les deux mois », disait-elle, la population des « nouveaux citoyens » de la Martinique du fait des échéances électorales, qui devaient doter la Martinique de trois députés à la nouvelle assemblée nationale française. Aussi, devant l’immensité évidente de la tache, en plus du choix de noms « tirés du calendrier grégorien » ou de « l’histoire ancienne » comme proposé par l’ordonnance d’avril 1836, mais surtout pas à partir de noms de familles existant dans la colonie (sous-entendu des familles béké), l’un des membres de la commission, François-Auguste Perrinon, « homme de couleur » martiniquais,
polytechnicien, proposa de nommer les ex-esclaves à l’aide d’un « système de noms variés à l’infini, par interversion des lettres de mots pris au hasard10 ». C’est sur cette base que 67 447 Martiniquais vont recevoir un nom de famille.

UNE MISE EN OEUVRE RETARDÉE

C’est François Auguste Perrinon, nommé commissaire général de la République qui est chargé de porter en Martinique le décret d’abolition de l’esclavage. Il est encore sur le bateau quand de graves événements insurrectionnels éclatent dans l’île. Les esclaves de Saint-Pierre et du Prêcheur puis, dans plusieurs ateliers du sud, au Robert, au François se révoltent violemment11. Les troubles se propagent ensuite à Grande-Anse (Lorrain), à La Trinité, au Gros-Morne, au Marin, au Lamentin, à Sainte-Marie et surtout à Fort-de-France le 23 mai. Le gouverneur de la colonie, le général Rostoland est alors contraint d’abolir immédiatement l’esclavage, le 23 mai 1848. Perrinon débarque le 4 juin 1848 dans une Martinique déjà libérée de l’esclavage. Il est investi du pouvoir de gouverneur de la colonie. C’est à ce titre qu’il va présider le nouveau conseil privé de la colonie, et notamment les deux réunions des 15 juin et 25 juillet12 qui vont traiter de la question de la nomination des nouveaux affranchis pour l’établissement des listes électorales (leur date de clôture a été fixée au 30 juillet) et de celle de l’organisation des prochaines élections. Pour Perrinon l’attribution préalable des noms était une question de principe et jugeait inacceptable, « blessante, les dénominations, l’absence de nom de famille, les sobriquets et l’emploi exclusif des noms dits de baptême ». Les nouveaux libres, disait-il, devaient « entrer dans la société dans les mêmes conditions apparentes que les plus anciens citoyens13 ».
Cependant, dès la deuxième session du 25 juillet, il fut contraint de constater que les opérations d’enregistrement des actes d’individualité des nouveaux libres n’avaient commencé dans pratiquement aucune commune et que celles-ci ne pourraient jamais être terminées pour le 30 juillet. Ainsi, contrairement à ses voeux, les nouveaux citoyens participèrent avec leurs seuls « prénoms » aux élections pour la représentation nationale du 9 au 11 août 1848 et aux élections municipales de septembre octobre 1848. La nomination des nouveaux libres fut donc dissociée de celle de l’établissement des listes électorales. Elle débutera en septembre 1848 pour durer officiellement jusqu’au 1er janvier 1859.

LES REGISTRES D’ACTES D’INDIVIDUALITÉ : UNE EXCEPTION DANS L’ÉTAT CIVIL FRANÇAIS

C’est le 20 septembre 1792 que l’assemblée législative créa en France métropolitaine, les registres d’état civil. Le décret du 6 fructidor an II (23 août 1794) décida (article I) qu’« aucun citoyen ne pourra[it] porter de noms ni de prénoms autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ». Ces registres consignaient les trois événements les plus remarquables de l’existence d’un individu : sa naissance, son mariage et sa mort. Dans les colonies avant 1848, seuls les libres étaient inscrits dans les registres d’état civil. Après son affranchissement, le nouveau libre était inscrit dans la partie « naissance » de l’état civil à l’âge de son émancipation : il naissait donc le jour de son émancipation !
À partir de 1848, les nouveaux libres, comme tout Français, se devaient d’avoir un nom de famille. En l’absence d’actes de naissance, le gouvernement provisoire décida de créer un dispositif particulier pour l’enregistrement de l’état civil des 230 109 nouveaux citoyens des ex-colonies françaises14. Des registres spéciaux, appelés registres des nouveaux libres pour la Guadeloupe et registres des actes d’individualité en Martinique, furent confectionnés.
Comme il est indiqué dans la circulaire écrite par Victor Schoelcher le 8 mai 184815, des officiers d’état civil devaient y consigner les « indications destinées à constater l’individualité de chaque Noir » ainsi « qu’un numéro d’ordre de l’inscription ». Ces registres étaient « destinés à servir de base à l’état civil » des Martiniquais récemment libérés.
Ce n’est qu’au moment du mariage ou lors du décès que ces personnes étaient inscrites sur les registres d’état civil. Ces « registres des nouveaux libres » et « registres d’individualité » servirent dans les ex-colonies de registres d’état civil pour les esclaves affranchis. Il s’agit d’une exception dans le système d’état civil français.
Concernant la Martinique, Victor Schoelcher annonça, dans sa circulaire du 8 mai, qu’il avait fait confectionner à Paris, les quatre-vingt-un registres pour la Martinique. Il y fournissait même la liste de ces registres par commune pour les vingt-deux communes de Martinique de l’époque, dont Trou-au-Chat (actuellement Ducos), Trois-Bourgs (incluant Rivière-Salée, Les Trois-Îlets et Petit-Bourg) et Sud(regroupant les Anses-d’Arlet, Le Diamant et Sainte-Luce). Il proposait aussi de mobiliser les registres et les employés d’état civil vers les lieux d’habitation, plutôt que de demander aux citoyens d’aller vers les chefs-lieux des communes.

  10. Abolition de l’esclavage, rapports et projets de décrets de la commission instituée pour préparer l’acte d’abolition immédiate de l’esclavage, Paris, Imprimerie nationale, 1848.
11. Édouard Delépine, Dix semaines qui ébranlèrent la Martinique (25 mars - 4 juin 1848), Maisonneuve et Larose, Paris, 1999.
12. Le conseil privé de la colonie était composé entre autres, de Perrinon (homme de couleur), commissaire de la République, investi des pouvoirs de gouverneur, de Gastaldy, lieutenant–
colonel d’artillerie, Ledoulx de Glatigny, commissaire de la Marine, Rémy-Néris (homme de couleur) médecin, directeur de l’Intérieur, Meynier, procureur général, Pory-Papy (homme de
couleur), avocat, maire de Saint-Pierre.
13. Compte-rendu de la session ordinaire du conseil privé du 15 juin 1848, in G. Durand, op. cit., p189-190.
14. F. Régent, op. cit, p. 283.
15. Cité in G. Durand, K. Logassah, op. cit., p. 37.

 

De plus, voulant réduire au maximum le délai pour la confection de ces registres d’individualité, il conseilla de ne noter que les éléments essentiels et proposa la formule d’inscription suivante :
« Le citoyen (ou la citoyenne) ………… (ancien nom inscrit) né (ou née) dans la commune de …………………. âgé (ou âgée) d’environ …………………. ans, fils (ou fille) de ………… et de ………… vivante (ou décédés) domicilié (ou domiciliée) à …….…. et inscrit (ou inscrite) précédemment au registre matricule des esclaves sous le n ° .… s’est présenté (ou présentée) devant nous et a reçu les noms et prénoms de ……………..……. »
Nous pouvons ainsi citer l’exemple de la citoyenne Marie Angélique Anelka, au Lorrain : « N° 2975 : La citoyenne Marie Angélique, née dans la commune du Lorrain, section Grand- Anse, âgée de vingt-sept ans, fille naturelle de Fanny, domiciliée à la Grand-Anse, et inscrite
précédemment au registre matricule des esclaves sous le numéro 2125, s’est présentée devant nous et a reçu les nom et prénom de Marie Angélique Anelka. Fait à la Grand-Anse le 13 février 1849, signé, le Maire, H. Estripeaut. »
Marie Angélique a été nommée ce jour-là avec ses quatre enfants en bas âge, tous nés esclaves, Julienne (6 ans, numéro 4195), Jules (3 ans, numéro 4409), Robert (2 ans, numéro 4792) et Robertine (1 an, numéro 5094).
Par comparaison, à la Guadeloupe (voir Non an Nou11) n’étaient répertoriés ni l’habitation actuelle du nouveau libre, ni son ancienne habitation, ni le nom du maître, ni les déclarations de reconnaissance des enfants par leurs parents avec pour conséquence l’attribution du nom du père à ces enfants reconnus. En revanche, les noms de la mère étaient systématiquement notés mais beaucoup plus rarement ceux du père.
Les opérations d’enregistrement n’ont débuté qu’à la mi-septembre 1848, et ce pour six communes (Basse-Pointe, Case-Pilote, Fort-de-France, Le Lorrain, Le Marin et La Trinité) et durant le dernier trimestre 1848 pour les autres, à l’exception du Lamentin, de Macouba et de Sainte- Anne qui ont commencé en janvier et février 1849.

19 956 NOMS DE FAMILLES DONNÉS AUX MARTINIQUAIS ONT ÉTÉ RETROUVÉS

Comme nous l’avons indiqué en introduction, nous avons analysé 53 103 fiches d’individualité. Nos chiffres sont légèrement inférieurs à ceux de Guillaume Durand qui a consulté 53 702 actes d’individualité12. Sur l’ensemble de ces fiches, nous avons extrait de notre base de donnée 22 093 noms de familles contre 19 391 noms dans l’étude réalisée par Guillaume Durand13. Ce dernier a classé les noms de famille en treize catégories : noms français, surnoms (groupe nominal ou adjectival, nom inventé, nom injurieux), anagramme du nom du maître, anagramme ou modification du prénom, patronyme-prénom, nom tiré de l’histoire ancienne, nom historique, littéraire ou artistique, nom tiré de l’environnement naturel, nom tiré de l’environnement humain, nom africain, nom britannique, nom espagnol ou portugais, nom d’une autre origine (caraïbe, flamand, néerlandais, allemand, italien, polonais). Selon l’auteur, environ 30% des noms donnés aux Martiniquais sont des noms français, 27% sont de la catégorie des surnoms, 12% des anagrammes ou des modifications des prénoms, 13% des noms africains. Pour cette dernière catégorie, 60% ont été attribués à des Africains (personnes nées en Afrique) et 40% à des Martiniquais. Nous invitons le lecteur à se reporter à ces deux ouvrages s’il souhaite approfondir ces questions14.
À titre d’exemple, nous avons relevé des noms bibliques ou de l’histoire ancienne (comme Barabas, Gordien, Hippocrate, Sobesky) ; des noms africains (comme Anelka, Angloma, Baguio, Zuma) ; des noms anagrammes ou des noms créés de toutes pièces, « par interversion des lettres ou de mots pris au hasard » (Décilap, Néyotic, Nitellub, Nitram, Belloiseaux15).
Mais on y retrouve aussi des noms de fleurs, de plantes ou d’animaux, de métiers, d’outils, de métaux (Acajou, Ciseau, Boulanger, Lapin, Rosier) mais aussi des noms péjoratifs ou injurieux (Anretar, Coucoune, Crétinoir, Macabre). La plupart de ces noms existent encore aujourd’hui.
L’analyse plus précise de ces registres montre que certains noms de famille sont typiques de certaines communes (on ne les retrouve que là). Ainsi, au Gros-Morne, la famille Barnay, forte de 23 individus, est nommée le 7 janvier 1849. Au Vauclin, 18 personnes reçoivent le nom Bellerose. À Rivière-Pilote, 14 individus sont nommés Atouillant, à Macouba 12 portent le nom Wiltord et au Marin, dix le nom Hierso.
Nous avons retrouvé des familles très nombreuses, fortes de plus de dix voire vingt membres, sur deux ou trois générations, qui sont déclarés au même moment, donc vraisemblablement sur l’habitation et reçoivent le même nom de famille. Ainsi le nom de famille Étifier est donné à 21 individus : Yotte (44 ans), Eugénie (42 ans), Jonas (41 ans), Maria (31 ans), Constance (30 ans) et Chevalier (26 ans), tous frères et soeurs, enfants de Pétronille, décédée, avec leurs enfants et petits-enfants. Au total, 21 individus seront inscrits les uns à la suite des autres sur le même registre, avec des numéros d’actes allant de 1273 à 1293, le 30 janvier 1849 dans la commune du Prêcheur. Le 2 février suivant, Eugénie Étifier revient pour déclarer sa petite
dernière, Agnès, âgée de 2 ans.
Mais, d’un autre côté, un même nom de famille pouvait être attribué dans plusieurs communes différentes. Le même phénomène avait aussi été noté à la Guadeloupe. Ainsi le nom Pinson a été attribué à 41 individus répartis dans cinq communes différentes, 17 à Rivière-Salée, dix à La Trinité, huit aux Trois-Îlets, quatre au Lamentin et deux au Vauclin. Seuls les Pinson de Rivière-Salée et des Trois-Îlets étaient apparentés. Le nom Angélo était donné à 29 personnes dont dix aux Anses-d’Arlet/Diamant, sept au François, trois au Prêcheur, trois à Sainte-Marie et trois au Vauclin. De même on retrouve le nom de famille Angely aux Ansesd’Arlet,
à La Trinité, au Carbet, à Rivière-Pilote et au Vauclin ; le nom Janvier à Ducos, au Carbet, au Lamentin au Marin et à Sainte-Anne, ou encore le nom Robin à Basse-Pointe, Case-Pilote, Macouba, au Marin et à Rivière-Salée.
Cependant nous fûmes particulièrement surpris de constater l’existence d’un nombre important
de doublons. En effet, à la différence de la Guadeloupe, il y eut en Martinique, l’attribution,
dans la même commune, du même nom de famille à de nombreuses personnes apparemment
non apparentées car n’ayant pas la même mère.

11. CM98. Non an Nou. Le livre des noms de familles guadeloupéennes, Jasor. 2010. p. 13.
12. Guillaume Durand, Kinvi Logassah, op. cit., p. 24.
13. Guillaume Durand, op. cit., p. 28.
14. Guillaume Durand, op. cit., p. 272-274.
15. Décilap, Néyotic, Nitellub, Nitram étant respectivement les anagrammes de Placide, Citoyen, Bulletin, Martin. Belloiseaux a été créé pour la circonstance.

 

En effet, 90% des actes d’individualité de notre base de données comportaient le prénom de la mère (contre 14% seulement les prénoms du père). Nous avons ainsi pu constituer un fichier de 23 068 noms, le « Fichier des Premiers Noms » qui incluait le nom du plus âgé d’une même famille16. Cette méthode nous permit de mieux analyser les homonymes qui pouvaient être, soit les deux membres d’un couple parental, soit des parents au deuxième degré (ce qui restait à être prouvé par des recherches généalogiques), soit un père et ses enfants ou encore de vrais homonymes.
Guillaume Durand effectue une analyse de ces observations pour les communes de Basse-Pointe, du Gros Morne, du Marin, de Rivière-Pilote et de Sainte-Luce17, et nous arrivons aux mêmes conclusions que les siennes. Prenons quelques exemples afin d’illustrer nos propos : François et Victoire, tous deux nés en Afrique (père et mère inconnus) et âgés de 33 ans, reçoivent le nom Jismon le 26 janvier 1849 à la Basse-Pointe (actes numéros 263 et 264). Les actes suivants, des numéros 265 à 270, mentionnent de façon explicite l’inscription de leurs six enfants, Frédéric (19 ans), Lucette (15 ans), Émilie (9 ans), Pauline (6 ans), René (8 ans) et Marguerite (4 ans). Il s’agit d’un couple parental, et le père et la mère reçoivent le même nom
de famille. Joseph, acte n° 6, 15 ans, domicilié à Sainte-Anne, fils de Francillette habitant à Sainte-Anne, matricule 437, a reçu le 15 février 1849, le nom Belon. Dans l’acte suivant, n° 7, Frejus, 52 ans, fils , habitant Sainte-Anne, matricule 293, a reçu également le nom Belon. On peut raisonnablement émettre l’hypothèse qu’il s’agit d’un fils et d’un père.
Eugénie, fille d’Agnès, inscrite sous le n° 10, née au Saint-Esprit, âgée d’environ 27 ans, fille
naturelle d’Agnès, domiciliée au Trou-au-Chat (Ducos), matricule n° 474F, est nommée le 15 octobre 1848 par Monnerot, Agnès Eugénie. Quatre mois plus tard, le 16 février 1849, Agnès, 40 ans, née au François, fille de Marie-Rose, décédée, domiciliée au François, matricule 6C, est nommée au François, par Jérôme, Agnès
Marie-Louise. Il s’agit du même nom de famille, donné par deux officiers d’état civil différents à deux personnes à l’évidence non apparentées.
La nomination des nouveaux libres aura duré onze ans au moins, jusqu’au 1er janvier 1859, date de proclamation officielle de leur clôture. Nous avons cependant retrouvé des inscriptions beaucoup plus tardives, notamment en 1865, dans la commune de Macouba18 : « N° 540 : L’an mil huit cent soixante cinq le onze du mois d’août, par devant Maire de la commune du Macouba, s’est présenté le sieur Moïse âgé de vingt-sept ans, né à Saint-Pierre, fils naturel de la demoiselle Magdelonnette et inscrit précédemment sur le registre matricule des esclaves sous le numéro 539 F et a reçu les nom et prénom de Meridon Moïse.
Macouba, le onze d’août mil huit cent soixante cinq, le Maire. »
Les plus anciennes inscriptions que nous ayons retrouvées dans notre base de données étaient au Robert en 1878. Il s’agissait des citoyens Célérin Courdeau, âgé de 44 ans, né à Fort-de- France, domicilié au Gros-Morne et Cyrille Rigah âgé de 59 ans, domicilié à La Trinité et né en Afrique. Ils ont été enregistrés les 30 avril et 01 octobre 1878, sur les actes numéro 1 et 2 de la dernière page du registre, signée par le maire Lucien Bélus. Il convient de noter, toutefois, que l’on retrouve un premier enregistrement de Cyrille Rigah dans la commune du Robert le 17 septembre 1849, soit vingt-huit ans plus tôt.
Dans ce livre, nous publions la liste de 23 068 noms de famille, appelés « Premiers Noms ». Si on
enlève les 3 112 homonymes comptabilisés dans la totalité de notre « Fichier des Premiers Noms », nous évaluons le nombre de noms de famille à 19 956 sur les 53 000 fiches étudiées. Si on rapporte ce nombre à la population des affranchis de l’époque (estimée à 67 447), le nombre de patronymes attribués à la Martinique après l’abolition de l’esclavage de 1848 avoisinerait les 25 400.
Ce nombre est certainement inférieur, du fait de plusieurs erreurs de transcription de certains
de ces noms, notamment chez certains sujets apparentés, mais que nous avons fait le choix de conserver. Par exemple, Moray Marie-Jeanne, âgée de 40 ans19 est bien la soeur de Mauray Alexandrine dite Didine, âgée de 37 ans20, toutes deux filles de Rose, nées et demeurant à Rivière-Pilote.
De même d’autres patronymes ont été gardés alors qu’il s’agit clairement d’un mauvais déchiffrage de l’acte. Ainsi, le patronyme Boisan est retrouvé au Vauclin. Au Saint-Esprit, le citoyen Ambroise s’est aussi vu donner le nom de Boisand (ce nom étant d’ailleurs l’anagramme d’Ambroise) qui se termine par un « d »21. Cependant la lecture attentive de l’acte nous révèle qu’il s’agit du patronyme Roisand. Les noms de famille Boisan et Roisand existent encore aujourd’hui à la Martinique, mais pas le patronyme Boisand. Il en est de même pour le patronyme Vertenil, qui n’existerait pas. Il s’agirait plutôt du nom Verteuil, où le « u » a été lu comme un « n ». Une femme prénommée Félicie, a été déclarée deux fois dans la commune du Lamentin, sur l’acte n° 1911, sous le nom Vertenil le 19 mars 1849, et sous le nom Verteuil dans l’acte n° 2355 enregistré le 14 avril 1849. La grande majorité de ces noms patronymiques attribués existe encore aujourd’hui en Martinique. Ce sont les noms de famille de la majorité des Martiniquais d’aujourd’hui.

QUELQUES REMARQUES EN GUISE DE CONCLUSION

Fabriquer des esclaves chrétiens puis des citoyens Français
En 1848, la République abolit l’esclavage et fait des nouveaux libres des citoyens français. Elle considère l’abolition et l’accession à la citoyenneté comme un « acte de réparation d’un crime de lèse-humanité22 ». L’abolition de l’esclavage, la nomination, l’inscription dans l’état civil et le droit de vote sont le corollaire direct de l’idéal républicain : Liberté, Égalité, Fraternité.

Quel sens donner à cette nomination ?

Afin de commencer à répondre à cette interrogation, le CM98 organisa, le 14 mai 2011, le premier colloque international sur la nomination des anciens esclaves des colonies françaises. Celui-ci réunissait des historiens (Frédéric Régent, Guadeloupe, Sudel Fuma, Réunion, Guillaume Durand et Vincent Cousseau, Martinique) ; des psychologues (Viviane Rolle- Romana, spécialiste d’ethnopsychiatrie des sociétés créoles ; Jean Zougbédé, Éwé, spécialiste d’ethnopyschiatrie de l’Afrique de l’Ouest) ; un anthropologue (le père Alain Romaine de l’île Maurice) ; des généalogistes (Philippe et Bernadette Rossignol de l’association Généalogie et Histoire de la Caraïbe) ; et des représentants d’associations mémorielles (Alex Bourdon pour l’Association martiniquaise de recherche sur l’histoire des familles (AMARHISFA) et Emmanuel Gordien et Serge Romana, vice-président et président du CM98).

Lors de ce colloque, Jean Zougbédé nous expliqua qu’en Afrique de l’Ouest (principale région d’origine des Africains déportés aux Antilles), « le nom était un objet culturel actif, opérant sur l’ensemble du groupe de manière visible et invisible. Cet objet avait une fonction précise reconnue par l’ensemble du groupe et par un groupe d’initiés. Le nom était une mémoire de

 

16. Nous avons effectué un tri sur la base du prénom de la mère, puis sur l’âge des individus.
17. Guillaume Durand, op. cit., p497-531.
18. Registre d’individualité, Macouba, cote E_16/E34.
19. Registre d’individualité, cote RIO1, acte n° 317 du 09 janvier 1849.
20. Registre d’individualité, cote RIO2, acte n° 722 du 14 mars 1849.
21. Registre d’individualité, cote 2E26/1, acte n° 191 du 25 février 1849.
22. Premier rapport fait au ministre de la Marine et des colonies par la commission d’émancipation. Cité par Nelly Schmidt in Abolitionnistes de l’esclavage et réformateurs des colonies, 1820-
1851. Analyse et documents, Karthala, 2000, p. 976.

 

l’histoire du groupe, le fondement du lien social. » C’est la raison pour laquelle, en Afrique de l’Ouest, le nom donné dépend du système de parenté (patrilinéaire ou matrilinéaire), du type d’alliance (exogamique ou endogamique), des conditions de la grossesse et de la naissance. Ainsi ce point précis de l’attribution des noms aux esclaves descendants d’Africains aux Antilles marquait clairement une rupture profonde avec l’Afrique.

Qu’en était-il de la nomination en France ? Bernadette Rossignol nous rappela cette circulaire de 1812, à propos des noms à donner à des enfants abandonnés, qui stipulait : « Ces noms doivent être tels, par exemple, que s’il n’y en a que deux, le premier soit considéré comme un nom de baptême et l’autre devienne, pour l’enfant qui le reçoit, un nom de famille transmissible à ses descendants. […] Pour le choix du nom de baptême, on doit suivre les usages et les règles ordinaires ; quant au nom de famille, il faut avoir soin de ne pas donner le même à plusieurs individus. […] Pour prévenir des confusions et des réclamations très fondées, on doit éviter de donner aux enfants trouvés des noms connus pour appartenir à des familles existantes et qui sont pour elles une sorte de propriété souvent très précieuse. Il faut donc chercher des noms soit dans l’histoire des temps passés soit dans les circonstances particulières à l’enfant, comme sa conformation, ses traits, son teint, le pays, le lieu, l’heure où il a été trouvé ; il convient néanmoins d’observer qu’il faut rejeter avec soin toute dénomination qui serait indécente ou ridicule ou propre à rappeler en toute occasion que celui à qui on la donne est un enfant trouvé. […] Ces noms ne doivent pas être deux ou trois noms communs à tous les enfants trouvés du même lieu ou même à plusieurs d’entre eux ; il convient que ce soit des noms différents pour les divers individus. »
Ici étaient résumés, de fait, les grands principes qui ont présidé à la nomination des esclaves
et des nouveaux libres.
Tout d’abord il y avait l’attribution du prénom ou nom de baptême. C’était un nom chrétien, issu du calendrier grégorien. Donné au XVIIe siècle par les maîtres eux-mêmes, il fut très vite à partir du XVIIIe siècle attribué par les esclaves désignés parrains ou marraines.
À partir de son travail de thèse, La prénomination en Martinique aux XVIIe, XVIIIe et XXe siècles, Vincent Cousseau expliqua comment les esclaves, n’ayant que le prénom comme élément d’individualité, surent créer à partir des noms de baptême, une diversité de prénoms beaucoup plus importante que celle existant chez les maîtres et chez les Français à la même époque.
Puis, le nom de famille après l’abolition de 1848 qui fut attribué dans des conditions qui rappellent la nomination en France des enfants abandonnés.

En conclusion de ce colloque, Viviane Rolle-Romana expliqua comment toute cette opération de nomination d’attribution de « prénoms » puis de « noms de famille » était une vaste entreprise de fabrication d’esclaves chrétiens pendant la période esclavagiste, puis de citoyens français après l’abolition de l’esclavage. Celle-ci, conduite par des officiers d’état civil français, correspondait forcément aux normes de la culture française et aux intentionnalités de la puissance dominante.

Des matronymes plutôt que des patronymes

Les termes des articles 12 et 13 du Code noir23 traitant de la famille dans la société esclavagiste, ainsi que la quasi-impossibilité pour l’homme de protéger ses enfants, ont fragilisé le rôle de ce dernier au sein de la famille esclave, et peuvent être considérés comme la base de la matrifocalité antillaise.
Nous avons été surpris de constater, comme nous l’avons signalé ci-dessus, la référence quasi systématique, pour tous les sujets nommés, du prénom de la mère (90% des cas contre 14 % pour les noms du père) dans les registres d’individualité. Concernant ses parents, une seule question semble avoir été posée à l’individu qui allait recevoir un nom : « Ki non manman-w ?41 »
Ainsi, les noms donnés aux enfants étaient en fait les noms de famille de leur mère. C’est pourquoi nous proposons le terme de « matronymes » plutôt que celui de « patronymes » pour désigner les noms de famille donnés aux Martiniquais nommés après 1848.

Conclusion

La nomination dans les colonies françaises est un des éléments déterminants de la compréhension de la construction identitaire des sociétés post-esclavagisme. De nouveaux travaux sur ces questions, à l’instar de ceux de Guillaume Durand ou de Vincent Cousseau s’avèrent d’ores et déjà indispensables afin de nous permettre, à nous les descendants de cette Histoire, mais aussi au Monde entier, de mieux connaître et comprendre ce que fut la construction de sociétés humaines durant l’esclavage colonial.

 

anchoukaj affiliation ANCHOUKAJ (Affiliation)

En tapant votre nom de famille dans l'onglet ci-dessus, vous allez être mis en présence de noms, prénoms, matricules et autres renseignements concernant des personnes qui étaient esclaves en 1848 et qui, avant l'abolition de l'esclavage, n'avaient pour seule identité qu'un prénom et matricule.

 

La nomination des Guadeloupéens après l'abolition de l'esclavage.

Nous avons retrouvé près de 30 000 patronymes qui ont été donnés à plus de 80 000 Guadeloupéens à partir de 1848. Ils étaient tous esclaves et venaient d'être affranchis par le décret d'abolition de l'esclavage proclamé le 27 avril 1848 par le gouvernement provisoire de la 2e République française.